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Ceta et Tafta : le double-discours

Matthias Fekl, notre secrétaire d’Etat au Commerce extérieur l’a annoncé : il va demander à ses homologues européens l’arrêt des négociations sur le traité de libre échange transatlantique (Tafta). Il avait déjà fait cette annonce en août dernier, désavoué trois jours après par Pierre Moscovici, son ancien collègue au Gouvernement, recasé commissaire européen. Notre secrétaire d’Etat a également dit, et c’est tout à son honneur, qu’il démissionnerait s’il était obligé de signer un traité qui ne corresponde pas aux intérêts de la France. Cette détermination à l’endroit des Etats-Unis pour le Tafta est paradoxale quand on l’écoute défendre le Ceta, négocié en catimini avec le Canada. Or, qu’est-ce que le Ceta ? Un traité de libre-échange qui supprime les barrières douanières entre l’Europe et le Canada et soulève de nombreux problèmes.

D’abord, il ne reconnaît qu’une minorité de nos produits protégés (appellation et indication géographique). Un exemple concret : seuls 22 de nos 54 fromages labellisés ne pourront pas être plagiés par les industriels canadiens. Rocamadour, Ossau-Iraty et bien d’autres seront eux sacrifiés sur l’autel du libre-échange. Et quels critères ont été utilisés pour choisir les heureux élus ? Mystère….
Ensuite, le Ceta est un véritable cheval de Troie du Tafta. En effet, 42 000 entreprises américaines ont une filiale au Canada et pourront ainsi bénéficier de ce traité. Alors oui au Ceta mais non au Tafta ? Pour faire pencher la balance, la commission européenne prévoit un bénéfice économique pour les États de l’Union. Cependant, une étude de l’université Tufts aux Etats-Unis a indiqué que le Ceta pourrait causer la suppression de 200 000 emplois en Europe, dont 45 000 en France.

De plus, le Ceta prévoit un mécanisme d’arbitrage asymétrique à la disposition des seules firmes multinationales qui pourront ainsi assigner les États européens en complète dérogation de la justice de droit commun.
Ce traité est également un coup d’arrêt à l’accord de Paris pour la Cop 21 avec la perspective d’arrivée des sables bitumineux et gaz de schiste en provenance directe du Canada. C’est aussi un très mauvais signal lancé à la transition économique et sociale que notre siècle appelle. Comment imaginer une économie vertueuse du libre-échange avec un partenaire dont les normes fiscales, sociales et environnementales sont différentes des nôtres et en tout point avec des standards inférieurs ? Nous souffrons déjà de distorsion avec nos voisins européens dans le marché commun et nous nous apprêtons à créer un nouveau déséquilibre, encore plus grand. J’ai la conviction que le Ceta ne bénéficiera en rien aux agriculteurs, aux entrepreneurs et aux citoyens de notre territoire lot-et-garonnais. En revanche, je devine avec la même conviction que ce traité favorisera les grands groupes, les investisseurs et la finance déconnectée de l’économie réelle.

Enfin, cerise sur le gâteau, le Ceta, qui doit être signé le mois prochain, prévoit un mécanisme d’application provisoire qui le rendra effectif avant même que notre Parlement ne le ratifie, et ce en totale violation des principes élémentaires de notre État de droit.
Matthias Fekl a déclaré le 5 février dernier : « Le regard citoyen ainsi que le contrôle démocratique et parlementaire sont indispensables à la légitimité de ces négociations et de tout accord ». A force de faire le grand écart entre Tafta et Ceta, et s’il veut vraiment respecter sa parole, Matthias Fekl devrait méditer cette célèbre formule de Gambetta : « Il faut se soumettre ou se démettre ».

Jonathan Biteau

 

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