Darwin
 

Plaidoyer pour Darwin

 » Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements « . Ainsi s’exprimait l’auteur de la théorie de l’évolution pour expliquer la richesse de la biodiversité. Et si l’on appliquait ce principe au secteur économique, au service d’un territoire, quelle en serait la traduction ? Certains ont fait plus que le conceptualiser, ils l’ont réalisé et ont devancé l’avenir du développement économique. Pour s’en convaincre, il suffit d’aller sur la rive droite de Bordeaux, à l’ancienne caserne Niel. Bienvenue dans l’écosystème Darwin, le premier « territoire augmenté » de France.

Les idées mènent le monde
Tout est parti d’une idée. Un groupe d’amis veut prouver qu’il est possible d’être un entrepreneur, de créer de la richesse et d’être éthiquement responsable. Ce qui aurait pu ne rester qu’une conversation plaisante de fin de soirée est devenue réalité : il s’agit de Darwin, le premier espace de travail partagé de notre pays avec 190 sociétés, 500 emplois et 70 millions de chiffre d’affaires cumulé sur 5500 m2 d’un terrain désaffecté depuis des lustres.
Philippe Barre est l’associé moteur de ce succès. Doté d’une foi inébranlable dans la réussite du projet, il convainc un groupe d’investisseurs de le soutenir et réunit une enveloppe de 20 millions d’euros. Seuls 5% de cette somme sont des fonds publics pour l’installation de panneaux solaires. Il ne manque plus qu’un petit coup de pouce du destin : le Maire de Bordeaux souhaite que sa ville soit capitale européenne de la culture et il inclut Darwin dans le dossier de candidature. Bordeaux échouera face à Marseille mais Darwin était né.
Le principe est simple : proposer un lieu de travail partagé à toutes les entreprises du territoire qui le souhaitent. Une seule condition commune à toutes les activités pour rentrer à Darwin : travailler dans un objectif de développement durable. Cela va de la production de chaussures en matière recyclée en passant par le cabinet d’architecte spécialisé en éco-construction jusqu’au développement d’hydroliennes sous-marines pour produire de l’électricité grâce à la houle. Le loyer de base est modique : moins de 300€ par mois et les services quasi illimités. Le site contient un commerce avec produits bios et en circuit court, de nombreuses activités sportives sont proposées, une conciergerie est à disposition et plusieurs professionnels paramédicaux y consultent quotidiennement. Darwin est bien plus qu’un bureau, c’est un lieu de vie, presque une philosophie.

Service au territoire
Philippe Barre est ce qu’on appelle un entrepreneur responsable qui a conscience du rôle que joue l’économie au sein de la société. C’est pourquoi Darwin propose une partie de ses locaux en accès libre à des associations qui se relaient. Le credo reste le même : elles ont toutes un objet environnementaliste.
De même, le lieu a recueilli plusieurs dizaines de refuges périurbains, sortes de cabanes de chantiers aménagées qui allaient être détruites. Chacune accueille une personne sans logement, qui travaille à Darwin ou pas. L’engagement est simple : rendre le lieu d’hébergement en meilleur état qu’à l’arrivée après plusieurs mois de séjour. Cette opération est financée uniquement par Darwin et les Darwiniens. À défaut de service public, Philippe Barre parle de « service au territoire ».

Un Darwin made in 47?
Devant le succès de ce projet qui ressemblait à une utopie, Darwin s’étend. La ville de Bordeaux lui a confié la gestion de sa pépinière municipale, une ferme urbaine gérée par une association a vu le jour et il y a plus de demandes que de places disponibles dans cet écosystème économique.
Alors pourquoi ne pas reproduire ce modèle à la sauce lot-et-garonnaise ? En premier lieu, il faut être lucide : l’attractivité de notre territoire n’est pas celle de Bordeaux et on ne réunit pas ainsi 20 millions d’argent privé pour un projet aussi novateur. En revanche, les collectivités ont cette possibilité. Rappelons ici que l’implantation du Center Parcs sur notre territoire va coûter au moins 40 millions d’euros (lire ici). Cependant, il faudrait une véritable volonté politique et sortir des vieux schémas du développement économique et de l’aménagement territorial. L’avenir n’est plus dans les zones industrielles et commerciales où on empile les mètres carré, l’avenir appartient au travail partagé, aux entreprises innovantes, aux énergies renouvelables. C’est là que demeure la plus-value de demain pour notre territoire. « On n’arrête pas une idée dont le temps est venu » disait Victor Hugo. Pour le futur de notre département, il serait grand temps d’avoir des idées.

Jonathan Biteau

Délégué 2e circonscription 

 

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